vendredi 2 août 2013

La revedere [au revoir]

C'est la fin des haricots roumains, les amis.

L'aéroport de Bucarest dans lequel je suis en transit (à peine six heures, une peccadille) se fait un malin plaisir de me rappeler que l'aventure se termine.

Ce qui devait arriver arriva : je suis immensément triste de quitter Iaşi.

Je noie mon malheur dans un double expresso glacé à 17 lei. Aux grands maux, les grands remèdes (je ne m'attable jamais dans les cafés des aéroports, mais la circonstance est exceptionnelle).

J'ai invité quelques amis à partager un dernier repas dans mon appartement hier soir. Eiko s'est lancée dans la préparation de nouilles japonaises et nous avons marché sur la pâte pour la rendre plus compacte. 15 minutes chacun : un vrai travail d'équipe. 


Hai să călcăm pe taiţei !
Let’s walk on the noodles !

J'ai rarement éprouvé avec autant de force le potentiel poétique de la farine blanche.

Il y avait quelque chose de bouleversant dans cette improbable collaboration.

*** Pour les détails techniques : il faut mélanger de la farine blanche avec un peu d'eau et former une boule que l'on place dans un sac plastique. Puis on glisse le sac entre deux feuilles de papier journal et on marche délicatement dessus - sans chaussures évidemment. Après 15 minutes de malaxage, on laisse reposer le tout. Ensuite, on étale la pâte avec un rouleau à pâtisserie, on découpe de fines lamelles qu'on fait cuire dans de l'eau bouillante. Et on déguste avec un bouillon, des shiitakés, quelques morceaux de viande et des algues. Ce plat s'appelle うどん : udon (ou en roumain : taiţei din făină). ***

Au menu il y avait aussi :  お赤飯 (osekihan : du riz rouge aux azukis) et 白玉団子 (shiratama-dango : le meilleur dessert de ma vie).
Avec un cake aux tomates cerises, olives vertes et dés de feta (c'est ma contribution méditerranéenne).
Et du vin roumain.

Et parce qu'il est impensable que ma vie désormais suive son cours loin de Voica, Ionuţ, Eiko, Mihai, Dana, Roxana, Eugen, Ruxandra, Bogdan, je forme ces deux résolutions :
- je reviendrai l'année prochaine
- ...et l'année suivante.

 La revedere (au revoir), c'est donc bien la promesse de retrouvailles futures.

Quant à ce blog, il semble bien que l'heure fatidique du dernier article ait sonné. Il n'est pas impossible qu'un petit frère voie le jour si je m'installe dans un autre coin du monde. Crénom de nom ! c'était fort agréable de faire un bout de chemin avec vous.

~ Sibylle quitta Iaşi et elle y revint souvent ~

jeudi 1 août 2013

Derniers jours à Iaşi

Romain et moi rentrons en bus à Iaşi le vendredi 26 juillet. Encore toute une histoire... On nous avait dit : non non, pas de réservation possible, vous achetez votre ticket de bus le jour même, 30 minutes avant le départ (prévu à 7h). Soit. Résultat : lorsque le minibus arrive, 40 personnes attendent sur le perron, prêtes à se battre pour avoir une place (c'est le seul bus de la journée, et il n'y a pas de train). Le chauffeur va expliquer à sa hiérarchie que non, ce n'est pas possible. Il faut attendre une heure l'arrivée d'un second bus, plus grand cette fois-ci. Mais les gens sont à cran et quand les portes s'ouvrent je manque de mourir étouffée par une marée humaine. Il faut troquer nos premiers tickets contre de nouveaux. Quelque chose me dépasse dans cette (non-)organisation. Heureusement, une fois tout le monde assis (tout le monde ? pas vraiment, deux voyageurs font le trajet debout) l'atmosphère se détend un peu. Nous arrivons à Iaşi avec plus de deux heures de retard, assommés par la chaleur, déshydratés. C'est le moment idéal pour une limonade maison à Acaju.

Romain prend l'avion pour Paris le 27 juillet. Moi juste un peu plus tard : mon vol Iaşi --> Bucarest --> Amsterdam --> Marseille est prévu pour le 2 août.

Je commence à jouer à "et si c'était le dernier..." 

...smoothie à Acaju
...pique-nique dans un parc
...covrig chaud et croustillant
...footing autour du lac Ciric
...rendez-vous avec Dana et Roxana
...verre de bière (non, ce n'est jamais le dernier, il y en a toujours un autre qui s'impose)
...bol de pop corn avec Ionuţ
...passage au parc Copou
...concert de chiens errants
...interlude géographique avec Mihai 
...?

Aujourd'hui, 1er août, deux certitudes : c'est ma dernière douche froide (au moins une chose que je ne regretterai pas, foutue chaudière) et mon dernier jour à Iaşi.

L'appartement est vide, Paolo est parti depuis longtemps et les meubles font grise mine.

Eiko m'a offert hier une guirlande faite de petits origamis (une série d'oiseaux en papier). Je ne m'en remets pas. 

Comment dire au revoir à tout ça ?

Heureusement, il y a aussi (encore ! encore !) des découvertes, des rencontres, des premières fois.
Première soirée geek avec Eugen et Ruxandra.
Première discussion avec un Danois (Bjarne, qui est en vadrouille à Iaşi ces jours-ci, et que j'ai rencontré grâce à Voica - mais qui n'ai-je pas rencontré grâce à Voica ?).
Première expérience d'hôte sur couchsurfing (j'accueille pour deux nuits un Japonais qui fait le tour du monde, sac sur le dos).

Je joue aussi à "je ne verrai plus..."

...de vieil homme en pantoufles et en pyjama buvant son café dans la rue le matin, parce que c'est  mieux que la télévision
...de client sortir d'un magasin avec un œuf (UN œuf !) à la main
...de panneau "prière de ne pas corrompre nos employés"
...de legging léopard assorti à un débardeur zèbre
...

Bientôt, le dernier repas (qui s'annonce savoureux, bordélique et chaleureux) et le dernier article de ce blog. C'est aussi la fin d'une expérience d'écriture, et même si je rechigne un peu à mettre un point final il faudra bien que je m'y résolve.

Savez-vous manger les choux ?

Cet article est dédicacé à tous les copains amiénois qui luttent chaque semaine avec les choux du panier bio.

Jeudi 25 juillet, dernier jour de notre périple, nous bouclons la boucle et rejoignons Braşov. 

Nous avons prévu de passer une nouvelle nuit au Rolling Stones Hostel, même si en définitive ce n'est pas plus cher de payer une chambre dans une petite pension.




Romain a repéré pour le dîner un restaurant qui propose des sarmale. Il est hors de question que Pierre-Yves et Guillaume rentrent en France sans avoir goûté les sarmale, hors de question aussi que je quitte la Roumanie sans en manger une dernière fois. Romain n'en revient pas : comment un plat de viande (de porc qui plus est) peut-il autant me plaire ? À vrai dire, je n'en reviens pas non plus.

Notre plat est vraiment délicieux. Si vous passez par Braşov, allez faire un tour à la Casa Românească. Ils insistent un peu sur le côté "restaurant traditionnel plus roumain que nous tu meurs" mais la cuisine est bonne et les prix sont très abordables.

Revenons à nos sarmale. Ils se déclinent sous deux formes différentes, selon que l'on utilise des feuilles de vigne ou des feuilles de chou. J'ai un faible pour la deuxième option, mais toutes deux valent le détour. Si vous voulez en savoir plus, c'est par ici.

Mais je vous promets d'ici quelques jours une recette de sarmale maison !  À bon entendeur, salut : je ne cracherais pas sur l'organisation d'un atelier de cuisine roumaine cet hiver en Picardie.

Jour 7 : Sighişoara


Dernière étape de notre road trip avant de boucler la boucle : Sighişoara.

Sur la route qui mène de Sibiu à Sighişoara, nous nous arrêtons à Biertan pour visiter une vieille église fortifiée.




En milieu d'après-midi, nous arrivons à Sighişoara et louons deux petites chambres dans la pension Phönix, au pied de la vieille ville.


Puis nous allons crapahuter dans les ruelles.







Le cimetière est absolument magnifique. Je pourrais y rester des heures, à inventer l'histoire de ces vies (deux dates suffisent, en fait, à lancer la machine narrative).




mercredi 31 juillet 2013

Jour 6 [suite] : Sibiu

Allez savoir pourquoi, je me figurais que Sibiu serait trop touristique à mon goût.

Mais honnêtement, comparé au spectacle que vous offre la Côte d'Azur quand l'été bat son plein, le tourisme de Sibiu c'est de la rigolade.

En revanche, je ne m'attendais pas à trouver une ville si allemande. Dans les magasins, les restaurants, dans la rue, les bars, on parle allemand. Si vous demandez à mon ami Chelin (le guide vert), il vous racontera que Sibiu, fondée au XIIe siècle par des colons, fut intégrée très tardivement à la Roumanie (en 1920, je crois). Elle a d'ailleurs gardé son premier nom sur certaines enseignes : Hermannstadt.

Je prends un immense plaisir à me balader dans les petites rues pavées. À Iaşi, le passé semble avoir été dévoré par les blocs de béton construits sous Ceauşescu. Ici, j’ai l’impression de sentir le feuilletage des siècles sous chacun de mes pas.



  



Jour 6 : vers Sibiu

Mardi matin, il faut bien quitter Arefu, ses champs et ses vieilles bicoques.



Nous décidons de rejoindre Sibiu par les petites routes : autant dire par les chemins de terre. Parfois, nous tombons sur des culs-de-sac : l'itinéraire tracé sur la carte n'existe pas ou n'est praticable qu'avec un tracteur.  Mais j'aime traverser les petits villages où les gens écarquillent les yeux sur notre passage. Le temps semble régi par des lois différentes, ici.



En chemin nous passons devant de superbes monastères, de petites niches où les gens vont prier (je suppose). La croyance est intégrée à la vie quotidienne au même titre que la nourriture ou les travaux des champs. Je suis souvent surprise de voir les gens écrire à Dieu sur de petits bouts de papier dans les églises : il y a quelque chose de très direct, très intime dans cette foi.


Énième pique-nique dans les champs. Vous remarquerez que j'ai trouvé ma place dans la communauté : je suis celle qui coupe le pain.


En fin d'après-midi, nous arrivons à Cisnădie où - miracle ! - un vrai camping nous attend. Avec douches, toilettes et eau chaude : le paradis. La vue est superbe et nous sommes à quelques kilomètres seulement de Sibiu, où nous allons passer quelques heures avant le dîner.

mardi 30 juillet 2013

Jour 5 : Arefu

Grand ciel bleu. Nous prenons la route vers le sud, pour découvrir des paysages plus verts et plus vallonnés.


Un arrêt au barrage de Vidraru : je révise avec Romain les bases (barrage poids ou barrage voûte ? où est la centrale hydraulique ? à quoi servent les vannes en hauteur ?).


Un peu de poésie, que diable.


Nous marchons sous un soleil de plomb et rêvons d'une après-midi sieste et belote (rêve concrétisé après le pique-nique).


 Nous avons acheté sur le chemin une boule de fromage. Nos papilles sont survoltées. Le vendeur ne m'a pas menti : le brebis confectionné par ses soins est très, très bon.

 


Les Roumains ont une drôle de manière de faire sécher le foin. Entre nous, je ne peux pas m'empêcher de penser au cousin Machin de la famille Addams.

Quand nous revenons sur nos pas et regagnons le village où nous avons laissé la voiture, nous songeons que l'endroit est décidément très accueillant. Je vais dans le magasin le plus proche pour demander à la vendeuse si elle connaît une pension dans les environs (après trois nuits de camping sauvage, nous rêvons d'un lit et d'une douche). La cliente juste devant moi me dit : "justement, j'en ai une, c'est à trois pas d'ici". C'est ainsi que nous nous installons au Mountain Paradise pour la nuit (60 lei par chambre double, soit un peu moins de 14 euros, nous n'avons pas hésité une seule seconde). Tout est neuf mais on sent que la pension a été construite à la va-comme-je-te-pousse, avec les moyens du bord et les lubies de la maîtresse de maison. Nous sommes chouchoutés : tranches de pastèque pour le goûter, terrasse et jardin à notre disposition.

Je ne veux plus quitter Arefu (amadouer Sibylle avec une pastèque, ce n'est pas loyal, comment voulez-vous que je résiste...).